AirBnB n’est pas qu’une entreprise qui aggrave la pénurie de logement et la hausse des loyers, chassant au passage les habitants des zones touristiques loin de leur lieux de vie et d’activité (la directrice de l’office du tourisme de Lenk-Simmental en a fait l’amère expérience…). Cette plateforme californienne qui permet à un petit nombre de gros propriétaires de louer plus cher aux touristes qu’aux familles est aussi spécialiste en matière de non-respect des règles locales. Et donc de la souveraineté, qui consiste, pour une collectivité publique, à appliquer chez elle les règles qu’elle s’est choisie.
Ainsi, AirBnB, qui, comme nombre de plateformes, ne prétend être qu’une « intermédiaire » refuse bien souvent de collecter les taxes de séjour, pourtant dues dans la plupart des lieux touristiques (comme non-touristiques). Et bien souvent, comme les adresses exactes des logements qu’elle propose ne sont pas visibles (à moins de les réserver), les collectivités publiques ont de la peine à collecter ces taxes directement auprès des propriétaires, dont AirBnB refuse d’ailleurs de donner la liste exacte. Conséquences : de nombreux touristes ne paient pas les taxes qui permettent de financer les infrastructures qui leurs sont destinées et les propriétaires en profitent pour ne pas déclarer les revenus qu’ils tirent de ces locations… dont une bonne partie repart outre-Atlantique via la commission de la plateforme. Le contribuable paie donc la note.
La communauté de communes de l’Ile d’Oléron ne l’a pas entendu de cette oreille. Elle a exigé d’AirBnB le paiement des taxes de séjours dues par ses hôtes. AirBnB a refusé mais un tribunal a donné raison aux communes et condamné la plateforme à verser 8,6 millions d’euros. Ainsi, une petite collectivité locale a su faire plier un géant du net, désormais forcé d’appliquer les règles locales, d’autres règles que celles qu’elle a bien voulu respecter. Un beau succès pour la souveraineté.
Quelle leçon en tirer ? Pour faire respecter sa souveraineté (numérique), il faut le vouloir et oser s’attaquer frontalement aux géants du net. Car, lorsqu’ils violent la loi, ils finissent par perdre devant les tribunaux. Bien souvent, en Suisse en tout cas, les collectivités publiques renoncent à faire respecter leur(s) droit(s) face aux GAFAM et autres NATU, craignant qu’ils ne les respecteront pas. C’est notamment dû au discours constant des géants du net, qui n’hésitent pas à prétendre que le seul droit auquel ils sont soumis est le droit de leur pays de siège (c’est faux), soit que le droit en vigueur n’est pas adapté à leur activité (c’est le plus souvent faux) voire que leurs innovations vont trop vite pour être régulées (c’est encore faux) et qu’il faut donc les laisser faire ce qu’ils veulent et choisir les règles qu’elles voudront bien respecter. Or, l’exemple d’Oléron montre que, quand on veut, on peut. Même quand on est une petite communauté de communes de 21’000 habitants permanents face à un géant qui pèse 75’000 milliards de $ (soit plus que le PIB du Luxembourg).
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