Visionnaires vs. pisse-vinaigre

Demain, le canton inaugure dans la liesse le métro M2. Parmi le concert (justifié) des louanges et des superlatifs, difficile de trouver une voix discordante. Même les opposants de naguère semblent être devenus des partisans convaincus (il faut dire qu’il y a de quoi s’enthousiasmer!). Et pourtant.

Souvenons-nous des débats qui précédèrent le vote des vaudoises et vaudois. Charles Favre, alors conseiller d’Etat responsable des finances, avait proposé posé cette condition, qui s’apparentait à une forme de chantage: « pas de M2 sans vente des actions de la BCV » (« 24 heures » d’hier le rappelle dans le portrait de Philippe Biéler qui n’est pas disponible en ligne). Le grand argentier radical n’acceptait la réalisation d’un des chantiers majeurs du service public vaudois qu’à condition de privatiser la banque cantonale. Il se servait ainsi abusivement d’un projet nécessaire au développement du canton pour faire passer en force une idée néolibérale. Quelques années et trois votes populaires plus tard, Vaud inaugure son métro avec fierté (même si la voie unique entre gare et Grancy démontre à quel ridicule peut mener l’orthodoxie budgétaire), la banque cantonale est restée majoritairement en mains publiques suite à la victoire du référendum socialiste… et Charles Favre n’a pas été élu au conseil des Etats, entraînant la perte d’un siège que les radicaux considéraient pourtant comme leur.

Riex fait le choix de la privatisation de l’électricité

Hier soir, le conseil communal de Riex a malheureusement accepté d’autoriser la municipalité à combler le probable déficit budgétaire 2009 par la vente d’action de la CVE-Romande Energie. Ce faisant, il menace le maintien en mains publiques de notre compagnie d’électricité, malgré le fait que les géants européens de l’énergie lorgnent sur ses actions, avides qu’ils sont non pas d’assurer l’approvisionnement en électricité des habitants et PME de notre canton, mais de faire main basse sur nos barrages et nos réseaux électriques. Je me suis opposé à cette vente d’actions.

Certes, ce ne sont pas les 0,01% du capital que possède Riex qui feront la différence. Certes, la situation financière de la commune est difficile et un déficit est presque inévitable. Mais ce serait le premier en plus de 10 ans, la commune a une assise financière solide (c’est l’ancien membre et président de la commission des finances qui parle), n’a presque pas de dette et dispose de réserves importantes (supérieures au montant que l’on pourrait tirer de la vente des actions). En outre, il est encore trop tôt pour dire si le déficit sera de nature structurelle, donc récurrent, ou seulement ponctuel. Il n’est donc pas nécessaire de vendre les actions de la CVE, même si leur prix élevé les rend particulièrement alléchantes. Car si toutes les petites communes se mettaient à vendre leurs actions, la CVE risquerait de se retrouver rapidement en mains privées et nous perdrions le contrôle démocratique sur l’approvisionnement en électricité, ainsi que sur les prix.

Riex doit participer à la solidarité intercommunale
L’avis de la municipalité, bien qu’elle se prétende opposée à la privatisation, était que Riex «est trop petite et possède trop peu d’action pour garantir à elle seule le service public». Mais si toutes les communes font ce raisonnement, elles risquent toutes de vendre! C’est ce qu’ont compris 170 communes, qui ont signé avec l’Etat et la BCV une convention d’actionnaires visant au maintien en mains publiques de la CVE grâce à des droits de préemption à prix préférentiel. Elles ont bien compris que l’adage «l’union fait la force» n’est pas qu’un slogan creux et que, s’il est exact que seules elles ne peuvent rien, unies, elles ont une force de frappe non négligeable (les communes disposant de 13% du capital action, elles peuvent faire pencher la balance en faveur des collectivité publiques). La municipalité s’est malheureusement opposée à une adhésion de Riex à cette convention, pour des raisons assez absurdes. Là encore, elle pense que Riex seule «ne peut rien faire et ne doit pas se lier les mains», alors que le but de la convention est justement d’unir les force des communes pour qu’elles ne soient plus seules! Le but de la convention est aussi d’instaurer une solidarité entre les communes, afin que toutes fassent ensemble le sacrifice de ne pas vendre des actions dont le prix est pourtant très intéressant. Malgré l’opposition de l’exécutif, ma proposition d’adhésion à la convention a été transmise à une commission. Le feuilleton des actions de la CVE n’est donc pas encore clos.

Naomi Klein: la stratégie du choc – la montée d’un capitalisme du désastre

lastrategieduchoc.jpgL’auteure du best-seller «no logo» s’attaque à Milton Friedmann et à l’école de Chicago. Avec une thèse qui fait froid dans le dos. Ces ultralibéraux sont en effet conscients que leurs thèses ne peuvent qu’être impopulaires, tant elles visent à limiter l’Etat à une portion congrue et à rogner au maximum sa marge de manoeuvre, à privatiser le plus de services publics possibles (le mieux étant des les vendre à des multinationales), tâches régaliennes (notamment la sécurité publique) incluses et à jeter par dessus-bord législation de protection des travailleurs et assurances sociales. Puisqu’ils ne peuvent guère les imposer dans les urnes, ou dans ce cas devoir faire face à un mécontentement populaire justifié, ils en sont réduits à devoir profiter d’une «crise» ou d’un «choc» violent dont la principale qualité est de réduire à néant la capacité de réaction des élus et des populations, qui sont alors «mûrs» pour accepter, ou se faire imposer n’importe quoi. Une crise peut être une catastrophe naturelle, un bouleversement politique ou économique (p. ex. une crise monétaire), mais aussi une guerre, souvent un coup d’Etat. Après la crise, les néolibéraux pensent disposer d’une «page blanche» pour réformer l’Etat à leur manière. Et la crise a brisé toute résistance.
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Comment transformer la privatisation de l’école en un attrayant « libre choix »?

Une initiative pour privatiser l’école publique vaudoise sera donc lancée cet automne. Cette initiative devrait demander l’introduction du bon scolaire, instrument permettant de subventionner la fréquentation de n’importe quelle école, y compris – et surtout- privée, école que l’on pourrait librement « choisir ». Les partisans de la privatisation sont malins. Ils évitent soigneusement de parler de « privatisation », de « libre marché », de « baisses des salaires des enseignants » ou de « subventionnement des bénéfices du privé avec de l’argent public », même si c’est bien de cela qu’il s’agit. Non, ils avancent masqués avec des arguments bien plus porteurs et bien moins connotés politiquement: le spectre de l' »école à deux vitesses », la « meilleure qualité de l’école privée » et la « débâcle de l’école publique ». Mais aucun de ces arguments ne tient la route.

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Science-traction

3 juillet 2058. Ronald Rochat rentre du boulot. Genève-Lausanne, comme tous les jours. Debout et coincé, bien sûr. Et 3 heures de trajet, ça fait long. Ben ouais, faut souvent attendre aux croisements pour laisser passer d’autres convois. Et, de toute façon, faut pas rouler trop vite, le train risque de dérailler. Déjà que l’argent prévu pour la troisième voie ne suffit pas à réparer la deuxième… Mais c’est pas grave, tout ça. Ronald a une distraction. De quoi rêver en attendant la semaine de congé annuelle (dans 6 mois): Mater les belles bagnoles sur l’autoroute adjacente. Qui peuvent foncer, forcément, y’a trois pistes. Dans chaque sens, s’il vous plaît. Et presque vides avec ça, au prix où est le pétrole. Mais on s’en remet, paraît-il, du prix du pétrole, vu qu’avec la réforme de l’imposition des entreprises VI, on peut déduire les trois premiers millions de frais de carburant. Tiens, il y a le 4X4 du CEO de la lake of geneva rail Ltd qui passe en trombe. Ronald n’est pas fâché de savoir que le prix de son ticket serve au moins à ce que quelqu’un soit confortablement transporté.

Chronique de politique chronique parue dans «Le tromblon».

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Le canton de Vaud doit s’opposer à toute nouvelle centrale nucléaire

Le groupe ATEL a déposé une demande de concession pour construire une nouvelle centrale nucléaire, à Gösgen (SO), à moins de 80 km des frontières du canton de Vaud. Le lobby pro-nucléaire montre sa puissance, qui fait fi de la problématique des déchets, des dangers du nucléaire (dernier incident en date, Krsko, Slovénie, le 4 de ce mois) et de la pénurie d’uranium qui s’annonce. Mais elle pose la question du respect des décisions démocratiques par les autorités vaudoises, ainsi que sur la façon dont elles gèrent leurs participations. En effet, la nouvelle consitution cantonale prévoit, à son art. 56 al. 4, que les autorités «collaborent aux efforts tendant à se passer de l’énergie nucléaire». Et, à l’al. 3 du même article, elles «favorisent l’utilisation et le développement des énergies renouvelables». Ce que le nucléaire n’est pas. Or, via ses participations dans la Romande Energie et EOS, le canton détient de fait une part du capital d’ATEL, avec qui EOS est d’ailleurs appelée à fusionner. Nul doute qu’une telle fusion irait à l’encontre des objectifs constitutionnels votés par le peuple vaudois. C’est ce qui conduit le PSV à demander à ce que le processus de fusion entre ATEL et EOS soit suspendu. Les participations de l’Etat dans les entreprises électriques doivent servir activement la politique cantonale.
Faits intéressants, la ville de Genève a annoncé vouloir faire opposition à ce projet de centrale nucléaire et celle de Zürich a décidé de ne pas acquérir de nouvelles participations à la centrale de Gösgen.
J’ai donc développé aujourd’hui cette interpellation (08_INT_111.pdf) devant le Grand Conseil:

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Le pantographe de M. Leuenberger touche-t-il encore la caténaire?

Lorsque M. Blocher sévissait au conseil fédéral, M. Leuenberger, en place depuis 13 ans, justifiait sa présence au gouvernement pour faire contrepoids au tribun zurichois, qui lorgnait sur le département des transports. Où il n’aurait pas manqué de faire beaucoup de dégâts. En témoigne sa dernière prise de position en faveur d’une privatisation de CFF Cargo.
M. Blocher évincé, plus rien ne retient M. Leuenberger au Conseil fédéral. Il est en passe de se transformer en boulet pour son parti, défait aux dernières élections fédérales (faut-il rappeler que les sections cantonales du PS les plus proches de ses idées centristes sont celles qui ont subi les défaites les plus lourdes?). Sa gestion pour le moins approximative de la crise de CFF Cargo ne parle pas en sa faveur. On pouvait certes lui pardonner une position minoritaire au sein d’un collège de droite et lui concéder «qu’au moins, il tenait bon» face aux pressions des partis bourgeois (et encore).
Mais aujourd’hui dans la Sonntagszeitung, M. Leuenberger a dépassé les bornes en proposant rien de moins que l’entrée en bourse et la privatisation partielle des CFF. Une des revendications du «livre blanc» qu’une poignée de néolibéraux avait publié l’année de son élection au gouvernement. Non seulement il ne tient plus bon, mais il prend ouvertement le parti des fossoyeurs du service public, de la ruine des chemins de fer, et du bradage, au profit d’investisseurs privés, d’infrastructures patiemment bâties avec de l’argent public. Rarement un ministre socialiste n’aura fait pareillement allégeance au néolibéralisme. Rarement un ministre n’aura fait autant de tort à son parti et aux personnes qu’il défend.
Le plus navrant dans toute cette affaire, c’est que M. Leuenberger n’en tirera aucun bénéfice. S’il s’accroche et persiste dans son projet idiot, son propre parti lancera le référendum. Et le gagnera.

Soutien socialiste au libre choix de l’école?

Quelle ne fut pas ma stupeur à la lecture du «matin dimanche» d’aujourd’hui: Chantal Galladé, conseillère nationale socialiste zurichoise, soutien le libre choix de l’école. Position (ultra)libérale s’il en est. Jusqu’ici, on trouvait des partisans de la libéralisation de l’éducation dans tous les partis (verts compris), sauf au PS. Les libéraux auraient-ils rompu la digue? Mais il faut se garder des conclusions hâtives, car:
• Cette prise de position de Mme Galladé n’est pas partagée par l’immense majorité des membres et élus socialistes. Par exemple, les élus socialistes vaudois ont récemment fait bloc contre une motion déposée par le parti libéral.
• Cette prise de position n’est pas socialiste. Plutôt que de prendre de pareilles positions, mme Galladé ferait mieux de réfléchir à adhérer à un autre parti.

Mme Galladé justifie sa position libérale par «pragmatisme». Elle prétend que l’école à deux vitesses serait déjà une réalité et qu’introduire le libre choix de l’école renforcerait l’égalité des chances. Ce raisonnement est à l’envers du bon sens. En effet, il n’y a pas d’école à deux vitesse; Juste des écoles privées, en général de moins bonne qualité que l’école publique, qui font des bénéfices parce que quelques parents, souvent par snobisme ou élitisme, sont d’accord de payer des écolages importants.
Il est totalement erroné de prétendre que le libre choix de l’école favorise l’égalité des chances, car il a exactement l’effet inverse.

Cette prise de position inconsidérée démontre que les socialistes zurichois n’ont décidément rien compris: Après s’être positionnés plus au centre qu’à gauche, ils ont subit coup sur coup deux retentissantes défaites électorales (aux élections cantonales, puis fédérales). S’ils persistent sur cette voie libérale, nul doute qu’ils en subiront d’autres.

Le débat était ce soir au menu de forum sur RSR la première.

Les recettes de l’UDC pour CFF cargo

La «Neue Luzerner Zeitung», relayée par le gratuit du soir «Heute», nous apprend les recettes que l’UDC réserve à CFF cargo. Elles sont à l’image des positions de ce parti: brutales, ultralibérales et irréfléchies. C’est son président de fait, M. Blocher, qui l’annonce en personne: «CFF cargo doit être privatisée». Le conseiller fédéral battu passe bien entendu sous silence les désavantages qu’aurait une telle privatisation: pertes d’emplois, dégradations des conditions de travail et de salaire, privés encaissant de juteux bénéfices grâce à des infrastructures financées par l’Etat à coups de milliards, etc. La privatisation ne suffit d’ailleurs pas au stratège de l’UDC: L’entreprise doit être «déliée de ses cautèles syndicales». M. Blocher est donc ultralibéral jusqu’au bout des ongles et souhaite aussi jeter aux ortilles le partenariat social et les conventions collectives. Ce qu’il avait d’ailleurs fait lorsqu’il dirigeait EMS: Il avait refusé de négocier avec Unia, pour signer une CCT fantôme avec le syndicat chrétien Syna, sage et docile. Il n’en n’est d’ailleurs pas à son coup d’essai. Appelé à s’exprimer devant l’assemblée de la société suisse des entrepreneurs, il l’avait exhorté à dénoncer la CCT du bâtiment. Provoquant la sous-enchère salariale, puis la débâcle patronale que l’on sait.
Mais ces bons conseils ne sont pas distribués sans arrières pensées. M. Blocher le dit tout net : être l’entrepreneur qui reprendrait cargo «le stimulerait et serait une tâche intéressante». Tiens donc. Non content de son bilan de conseiller fédéral qui se résume à des reports de charges sur les cantons et la critique de nos institutions devant un auditoire de pseudo-démocrates turcs, M. Blocher s’en prend maintenant au transfert de la route au rail. Une seule réponse: Giù le mani!

Torpille contre le transfert de la route au rail

La principale caractéristique du marché, c’est que ça ne marche pas. Ses partisans nous gonflent pourtant en permanence avec la « main invisible », qui voit tout, sait tout, règle tout, régit tout, résout tout. Eh ben non. La preuve par le transfert de la route au rail.

CFF Cargo a une double mission de service public. La première, faire en sorte qu’il y ait le moins possible de camions polluants et dangereux sur nos routes. La deuxième, offrir des emplois de qualité, même dans les régions excentrées. Lorsque des élus de droit, profitant de la passivité du ministre pseudo-socialiste, tentent, sous prétexte de libéralisations, de demander à l’entreprise d’être rentable sans subventions publiques, et ben, elle se casse la gueule. Mais faut avouer qu’ils ont des remords. Une fois qu’ils se rendent compte que la logique du marché appliquée aux emplois de LEUR canton fait des ravages, ils sont les premiers à aller manifester.

Chronique de politique chronique parue dans le mensuel satirique le tromblon.

Les sites de soutien au personnel de CFF Cargo à Bellinzone et à Fribourg.