Epidémie de coronavirus : quel sont les droits et devoirs des travailleurs concernés ? (mis à jour)

Le « coronavirus » (connu aussi sous son nom scientifique « COVID-19 ») a désormais franchi nos frontières. Il y a d’abord eu des soupçons de cas aux environs de Thonon-les-Bains, puis de nombreux cas (dont des décès) en Italie voisine où des villes et villages sont en quarantaine et des grands événements économiques ou culturels comme la semaine de la mode de Milan ou le carnaval de Venise ont été perturbés ou annulés. En Suisse, aux premiers cas et mises en quarantaine succèdent les appels à fermer les frontières, notamment aux travailleurs frontaliers. Et les économistes rivalisent d’analyses sur l’impact de l’épidémie sur la conjoncture et l’emploi.

L’emploi, justement. Quels sont les impacts d’une épidémie ou d’une pandémie sur les contrats de travail ? Les mesures prises par certaines entreprises sont-elles légales ? Voici un petit tour des droits et devoirs des employés et employeurs dans différentes situations qui surviennent en pareil cas : Continuer la lecture

Présidence du PSS : pourquoi je soutiens Mathias Reynard et Priska Seiler Graf

Je connais Mathias Reynard depuis longtemps. Bien avant notre entrée commune au Conseil national. Nous étions déjà engagés ensemble à la jeunesse socialiste. Et déjà, nous étions sur la même longueur d’ondes : nous voulions un PS qui ne trahisse pas ses idéaux (c’étaient les années de la « troisième voie » prônée par MM. Blair et Schröder) ; un PS qui défende coûte que coûte les travailleurs et les plus démunis, le service public, l’égalité, les droits fondamentaux, l’environnement. Au Conseil national, j’ai beaucoup collaboré avec lui, notamment lorsque j’ai présidé la commission qui a élaboré son projet de loi contre l’homophobie. J’ai constaté que ses idéaux n’avaient pas bougé d’un pouce. J’ai beaucoup apprécié un parlementaire efficace, convaincant, avec un immense réseau (syndicats, ASLOCA, Initiative des Alpes). Et qui ne refusait jamais un verre de Dézaley ou de Riex sur la terrasse du Palais fédéral (souvent accompagné d’un excellent pinot valaisan de sa vigne). Continuer la lecture

Pour les Suisses-ses de l’Etranger : vote électronique ou envoi électronique ?

Un des (rares) arguments récurrents en faveur du vote électronique est le vote des Suisses-ses de l’Etranger. Indépendamment de la question de leur accorder ou non le droit de vote (une question qui mérite d’être discutée comme c’est le cas ici), il est vrai qu’ils ont souvent des problèmes à l’exercer. En effet, en raison des lenteurs des services postaux hors de Suisse, les documents de vote arrivent souvent trop tard. Soit à leur domicile, soit, après avoir été remplis et renvoyés, au bureau de vote en Suisse. Certains considèrent que le vote électronique pourrait être une solution, notamment l’Organisation des Suisses de l’Etranger (OSE), qui exige depuis de nombreuses années la généralisation immédiate du vote électronique, sans faire grand cas des problèmes de sécurité. Il est vrai que, depuis la décision du Conseil fédéral de mettre un terme (hélas temporaire) aux essais de vote électronique suite à d’importants problèmes de sécurité, la participation électorale des Suisses de l’Etranger a chuté. De nombreuses personnes concernées se sont notamment plaintes de n’avoir reçu les documents électoraux qu’après le scrutin. Continuer la lecture

L’essor de la robotique redéfinit le droit fondamental à la dignité humaine et à la liberté

L’essor de la robotique ne fait pas que bouleverser notre vie quotidienne. Il pose des questions sur l’avenir de nos droits fondamentaux, à commencer par le premier d’entre-eux : la dignité humaine (art. 7 de la Constitution fédérale). En effet, même si nous sommes encore loin de la « singularité », l’irruption dans nos vies de robots capables de copier à la quasi-perfection les interactions et émotions humaines nous pousse à nous interroger sur la relation humain-machine. Ces questions pouvaient relever de la science-fiction il y a quelques années à peine, mais portent désormais toutes sur des cas bien réels.

Ainsi, la dignité humaine tolère-t-elle que l’on impose à un humain de se faire soigner par un robot dans un contexte de pénurie de main d’œuvre dans le domaine des soins ? Et commande-t-elle que ce soit désormais les robots qui soient chargés des tâches triviales, abrutissantes, harassantes ou dangereuses en lieu et place des humains ? Est-il compatible avec ce droit fondamental d’être « aux ordres » d’un robot ? Ou de lui confier des décisions cruciales pour la suite de notre existence comme trouver un emploi… ou le perdre ? La dignité humaine comporte-elle le droit de n’avoir des interactions humaines qu’avec des congénères humains ? Ces questions méritent un débat éthique et juridique approfondi. Dans ce cadre, il faudra avoir à l’esprit que nos réponses ne seront pas universelles : certaines sociétés comme celles qui sont sous l’influence du Shintoïsme ayant une toute autre approche de la relation avec les « choses ».

L’essor de la robotique pose aussi la question de l’avenir du droit fondamental à la liberté, mais aussi de son indispensable pendant : le devoir de responsabilité. En effet, même si vivre dans un monde de plus en plus gouverné par des algorithmes n’est pas une nouveauté si l’on considère certains algorithmes non-numériques à l’impact considérable comme le « frein à l’endettement », l’usage intensif d’algorithmes pour prendre des décisions ne peut que restreindre le libre arbitre. Car celui qui se fie à un algorithme pour prendre une décision ne décide en réalité pas, il obéit. Et, bien souvent, il n’a aucune idée du mécanisme derrière la décision que lui propose ou impose l’algorithme, car c’est en général une « boîte noire », percluse de biais ou d’erreurs.

Quant à la responsabilité, elle est aussi menacée de disparition par l’essor des robots de plus en plus « intelligents » et autonomes. En effet, en l’absence de règles claires sur la responsabilité en cas de dommages, il y a un fort risque que plus personne ne les assume. La solution ne réside certainement pas dans l’attribution d’une personnalité juridique aux robots (qui resteraient financièrement incapables d’assumer un éventuel dommage). Elle ne réside pas non plus dans une confiance aveugle en les entreprises technologiques. Ces dernières tentent certes de nous faire croire qu’elles se soucient de minimiser les dommages que pourraient causer leurs créations, par exemple avec le jeu « moral machine ». Mais cette poudre aux yeux détourne des vrais enjeux : la question n’est en effet pas de savoir si un véhicule autonome, confronté au dilemme peu réaliste de devoir renverser un vieillard et un chaton pour épargner des enfants, fera le choix le plus « moral » possible, mais bien de savoir qui paiera les dégâts (peu importe si les victimes sont les enfants ou le couple vieillard-chaton).

(Texte paru dans la « newsletter » d’octobre 2019 de TA-Swiss, fondation pour l’évaluation des choix technologiques)

Finances communales : la « facture sociale » se joue à Berne

Bon nombre de communes vaudoises connaissent une situation financière compliquée. Notamment à cause de la fameuse « facture sociale ». Le PLR et l’UDC n’ont donc de cesse de conspuer ces dépenses sociales dont la croissance « sans fin », « étoufferait les communes » et « accablerait les contribuables ». Et tout ça pour des prestations sociales si « généreuses », si « luxueuses » qu’elles « inciteraient au laisser-aller » et ne feraient qu’aggraver les problèmes sociaux. Rien que ça. Et je caricature à peine. La solution que préconise la droite : baisser les prestations sociales. Et tant pis pour les plus faibles de notre société, dont la situation est déjà critique. Pourtant, si l’on examine la situation d’un peu plus près c’est bien la droite, par le truchement de ses élus fédéraux, qui est responsable de la croissance des dépenses sociales à la charge du Canton et des communes. Continuer la lecture

Evaluation par les clients : l’employeur ne peut pas en faire ce qu’il veut

Cela fait quelques années que je m’intéresse à l’évaluation des travailleurs par leur employeur et à ses conséquences en droit suisse du travail. J’ai déjà notamment traité des évaluations en courbe de Gauss (forced ranking), mais aussi des achats-test et des clients-mystère. J’ai récemment publié un article dans une revue scientifique de droit du travail (ARV-DTA pour ne pas la nommer) une analyse de la nouvelle tendance qu’ont certains employeurs de confier à leur clients l’évaluation de leur personnel (avec, en prime, une brève histoire de l’évaluation dans le monde du travail). Cette mode est grandement facilitée par les nouveaux outils numériques, qui permettent de donner son avis sur tout, tout le temps sur tout et en quelques clics seulement. En voici un résumé :  Continuer la lecture

Questionnaires électoraux – pire que smartvote: vimentis (encore)

Il y a quatre ans, je prétendais que vimentis prenait les gens pour des imbéciles. Je maintiens. Contrairement à smartvote, ils n’ont rien amélioré. Pis, certaines erreurs sont si flagrantes que ça en devient franchement pathétique.

Il ne s’agit pas seulement, comme smartvote, de questions vagues ou imprécises, ni de blabla de café du commerce. Plusieurs des questions sont truffées de fautes grossières et ont manifestement été rédigées par des gens qui n’y connaissent rien. Ou qui ne se sont pas donné la peine de se renseigner. Voyons plutôt : Continuer la lecture

Une analyse critique du questionnaire « smartvote » 2019 (2/2)

Dans mon dernier billet, je vous avais promis une analyse détaillée de certaines des questions de smartvote. J’en ai choisi quelques-unes particulièrement mal posées, même si elles portent sur des sujets d’une grande importance qui mériteraient d’être un peu détaillés. Continuer la lecture

Une analyse critique de « smartvote » version 2019 (1/2)

Celles et ceux qui me lisent régulièrement savent que je n’aime pas trop le site de recommandation électorale « smartvote ». Ce site prétend vous aider à trouver les candidats qui vous correspondent le plus. Il est adoré par les médias, qui peuvent reprendre ses jolis graphiques colorés en forme de toile d’araignée (« smartspider »), comparer les réponses des candidats et des partis ou débusquer ceux qui ont un avis divergent, le tout sans beaucoup se fatiguer, car il n’y a qu’à repomper les analyses livrées clef en main par l’algorithme. Les articles à son sujet sont souvent exempts de toute once d’esprit critique, en témoigne ce récent reportage de « RTS on en parle ».

Pourtant, je l’ai démontré à maintes reprises, smartvote se caractérise surtout par le manque total de sérieux de ses questions. Continuer la lecture

Les algorithmes votent à la place des citoyens : un cauchemar signé avenir.suisse

Récemment, avenir.suisse, qui nous avait plutôt habitué à son mépris pour la démocratie tant directe que parlementaire, a publié un document sur la démocratie directe numérique. J’ai d’ailleurs déjà abordé leurs fadaises à propos du vote électronique. Mais une lecture attentive d’une de leurs propositions passée inaperçue fait autrement plus froid dans le dos que les grandes lignes dont ont parlé les médias. En effet, une de leurs propositions n’est rien de moins que la réalisation d’une des pires dystopies qui soit : le remplacement due la volonté populaire par celles des algorithmes. Continuer la lecture